Introduction
L’expérience consiste à prendre deux plaques dont une transparente
et à les relier avec quatre tiges:
L’ensemble du système est ensuite plongé dans le liquide à savon puis
ressorti. Suivant comment les deux plaques sont ressorties, les films
se forment autrement, ce qui prouve l’existence de plusieurs minima.
Par exemple vu de dessus:
Mais tous les cas possibles restent composés d’un assemblage de plans, car le problème revient en effet à trouver la longueur minimale du film, la distance entre les plaques étant constante. La distance est celle que l’on observe lorsqu’on regarde les plaques depuis le dessus.
Nous allons uniquement nous intéresser au cas (f),
car les cas (a) et (b) sont évidents, les cas (e) et (f) présentent
l’avantage sur les cas (c) et (d) de posséder des catastrophes, comme
nous allons le voir. Voici deux exemples des cas qui seront étudiés:
Résultats
Mais pour étudier le problème complètement, il faut que les tiges
soient mobiles, donc qu’un des deux écartements puisse être changé,
puisqu’il s’agit d’un problème homothétique. Nous allons choisir comme
largeur $b=1$ et faire varier la longueur $a$. Pratiquement, les tiges mobiles peuvent
se composer de deux petits chariots indépendants de largeur $1$ qui
peuvent être glissés entre les plaques:
Les expériences donnent des résultats assez curieux:
Tout d’abord, lorsque les tiges sont disposées en carré ($a=1$), les quatre plans ne se rejoignent pas sur une ligne mais deux solutions existent, qui sont en fait semblables par une rotation. Si l’on part de l’état (a), quand les tiges sont déplacées de manière à réduire l’écartement, le plan central tend à se réduire et lorsque $a$ est environ égal à $0.6$, les quatre plans se touchent en une ligne et immédiatement le plan central change d’orientation, c’est le passage de (b) à (c). Et depuis l’état (c) on peut en écartant les tiges passer à l’état (d). Si l’on prend la figure (d) et que l’on éloigne les tiges, lorsque $a$ se rapproche de $1.7$, les quatre plans se rejoignent et le plan central change de nouveau de sens, comme entre les figures (e) et (f). De la même manière que précédemment, on peut revenir à l’état (a) depuis (f) en rapprochant les tiges.
Modélisation
Pour modéliser ce problème, nous allons le décomposer en deux parties,
un premier cas où le plan central est “horizontal” ce qui
correspond par exemple aux cas (a), (b) et (f) et un second où il
est “vertical”, comme sur les sous-figures (c), (d) et (e).
Les deux cas sont représentés ci-dessous avec les variables
qui seront utilisées par la suite:
Cas 1
Pour que le film soit en équilibre, il faut que la longueur du film soit minimale pour une valeur de $a$ donné. Nous allons calculer la longueur totale du film pour toutes les distances $x$ et chercher pour laquelle la longueur du film est minimale (voir figure ).
La longueur totale $L$ vaut $$L=4l+x$$ avec $l$ la longueur d’un plan en biais.
Avec Pythagore, nous pouvons exprimer $l$ en fonction de $x$ : $$l=\sqrt{\left(\frac{1}{2}\right)^{2}+\left(\frac{a-x}{2}\right)^{2}}$$
En combinant ces deux équations, nous trouvons $$L=2\sqrt{1+(a-x)^{2}}+x$$
Il suffit maintenant de poser la dérivée par rapport à $x$ comme étant nulle pour avoir les extrema. $$\frac{dL}{dx}=\frac{-2(a-x)}{\sqrt{1+(a-x)^{2}}}+1=0$$
Nous trouvons alors $x$ et la longueur totale $L$: $$ \begin{eqnarray*} x & = & a-\frac{1}{\sqrt{3}}\ L & = & a+\sqrt{3} \end{eqnarray*} $$ Nous verrons par la suite pour quelles valeurs de $a$ et dans quels cas ces valeurs sont justes.
Cas 2
En procédant de la même manière que précédemment, nous avons $$L=4l+x$$
$$l=\sqrt{\left(\frac{1-x}{2}\right)^{2}+\left(\frac{a}{2}\right)^{2}}$$
En simplifiant puis en posant la dérivée par rapport à $x$ nulle et enfin en résolvant, nous avons $$ \begin{eqnarray*} x & = & 1-\frac{a}{\sqrt{3}}\ L & = & 1+a\sqrt{3} \end{eqnarray*} $$
Analyse
Le passage d’un cas à l’autre se fait lorsque $x$ vaut zéro, puisque
c’est là que les deux cas se recoupent et que les catastrophes ont
donc lieu. Dans le premier cas, $x$ vaut zéro lorsque $a=\frac{1}{\sqrt{3}}$
et dans le deuxième lorsque $a=\sqrt{3}$. C’est donc pour ces valeurs
de $a$ que les deux catastrophes ont lieu. La figure suivante
montre la longueur du film en fonction de l’écartement $a$ ainsi
que les deux catastrophes:
Nous pouvons maintenant expliquer les résultats expérimentaux. A l’état (a), nous sommes sur la droite du cas 1 tout proche du point d’intersection des deux droites. L’état (b) correspond toujours au cas 1 mais tout proche de la catastrophe. Avec (c), nous sommes sur le cas 2, juste après la catastrophe. En (d), nous avons de nouveau un carré, donc nous sommes sur le graphique au point d’intersection des deux droites, mais sur celle du cas 2. Avec (e), nous sommes juste avant la catastrophe et juste après, nous avons enfin (f) qui est de nouveau sur la droite du cas 1.
Le graphique montre qu’il est possible de se déplacer sur la droite du cas 2 pour des valeurs inférieures à $\frac{1}{\sqrt{3}}$, ce qui est tout à fait possible, de même que de continuer le cas 1 pour des valeurs de $a$ plus grandes que $\sqrt{3}$.
Animation
Angles et longueurs
Deux autres paramètres peuvent aussi être étudiés en fonction de l’écartement $a$ : la longueur de la partie de plan en biais $l$ et l’angle $\theta$ que forment les trois plans lorsqu’ils se rejoignent. Dans le cas 1, nous trouvons $l$ et $\theta$ constants: $$ \begin{eqnarray*} l & = & \frac{1}{\sqrt{3}}\ \theta & = & 120° \end{eqnarray*} $$
Par contre dans le deuxième cas $l$ n’est pas constant mais $\theta$ l’est toujours : $$ \begin{eqnarray*} l & = & \frac{a}{\sqrt{3}}\ \theta & = & 120° \end{eqnarray*} $$
Il est intéressant de voir que les angles entre trois plans sont toujours de $120°$, c’est à dire trois fois le même angle. Ceci est une loi générale dite de Plateau: trois films plans se recoupant en une droite forment toujours entre eux des angles égaux. Cette constatation peut être démontrée avec la somme des forces. Comme les forces capillaires sont égales, au point de contact les angles doivent forcément être de $120°$.